Pause imprévue

- Mhrrrmmghmgrhggggggbhrrrrrrgh...

7 heures du matin. Cela faisait des années qu'elle se levait a la même heure tous les jours de la semaine, mais rien a faire : Ludmillia avait toujours autant de mal a s'extirper du lit. Cognant le radio-réveil d'un coup de poing, elle tomba par terre et mit dix bonnes secondes a virer la couverture et a se lever. Il faisait encore nuit, dehors, ce qui fait qu'elle n'y voyait goutte. Tant pis, l'électricité est gratuite, se dit-elle en pressant l'interrupteur près de sa table de nuit. Les petits puits de lumière éclairèrent aussitôt de facon ténue mais nette le petit appartement(ou grande chambre, selon le point de vue) de la vampiresse. Comme toujours, tout était plus ou moins rangé, a l'exception de la vaisselle sale qui avait passé la nuit sur la table, devant l'ordinateur ultraplat. Encore la nuit passée a regarder un film téléchargé et une nuit sans rêves, se dit-elle en se grattant la tête. Reprenant peu a peu ses esprits, elle réussit a marcher jusqu'a la cafetière et le grille-pain, qu'elle alluma d'un tournemain tout en enlevant la grand maillot de corps qui lui servait de chemise de nuit. Elle était nue, mais qui irait regarder au 24ème étage d'une tour dans une cité volante une vampiresse de 20 ans aller prendre une douche?
L'eau chaude finit de la réveiller au fur et a mesure qu'elle coulait sur sa peau bleutée et ses cheveux noirs, virant le savon et le shampooing avec lesquels elle s'était frictionnée il y a quelques minutes. Il fallait être propre comme un sou neuf pour servir maître Azmof, car un écuyer sale donnait une fort mauvaise impression du maître, se dit-elle en finissant de se laver. Enfin, il fallait se caler l'estomac, et pour cela, rien de tel qu'un solide petit déjeuner, même s'il se prenait seulement vêtue de serviettes de bain. Si le téléphone ne sonnait pas a ce moment la...

- Ludmillia? T'es la? C'est moi, l'intendant Heri!
- Ch'est pour quoi, chuis en train de mancher!
- Je te demande pardon?
- *gloups* Je disais : je mange! Que me vaut l'honneur d'avoir l'intendant de maître Azmof de si bon matin pendu au téléphone?
- Maître Azmof se sentait mal hier soir et il a été malade cette nuit, mais...
- Attends, tu déc*nnes, la?! C'est grave?! Il est alité?!
- Calme-toi, il est pas a l'article de la mort! Le médecin a dit qu'il avait juste pris froid, du coup, il est au lit pour deux jours! Il m'a chargé de te dire que tu étais libre jusqu'a vendredi et de considérer ca comme un congé supplémentaire! Ne t'en fais pas pour lui, il ne mourra pas avant de saluer son écuyère favorite.
- F*us-toi de moi! J'ai les foies pour le maître et tu trouves rien de mieux a dire que ce genre de c*nneries!
- Moi aussi, je t'adore, ma poupée a grandes canines! Plus sérieusement, profites du soleil aujourd'hui et demain, je te préviendrai dés qu'il va mieux ou si on a besoin de toi. Et ne viens pas prendre de ses nouvelles, sinon, tu vas le veiller jusqu'a son réveil!
- ... OK... Mais je serais quand même plus utile a coté de lui qu'a glander au parc de la ville... Tu m'fais ch*er, Heri, mais si maître Azmof l'a dit, je vais l'faire. A vendredi, l'emplumé!
- C'est qui l'emplumé, miss jolie vampire a gros lolos?!
- Hahahaha! Moi aussi, je t'aime bien, monsieur l'intendant!

Raccrochant le téléphone en avalant le reste de café, Ludmillia ricanait. "Jolie vampire a gros lolos"... Décidément, Heri savait aussi bien parler aux femmes qu'aux castors! Mais bon, ca la flattait un peu de savoir que quelqu'un la trouvait jolie. Se demandant une seconde comment maître Azmov la trouvait, elle partit vers le placard qui contenait ses affaires. Aujourd'hui l'armure dorée et la demi-lance d'écuyer resteraient a prendre la poussière, mais pas les effets civils. Après tout, autant être habillée comme une personne normale pour aller glander. Et pour cela, rien de tel qu'un ensemble short/débardeur, une paire de tennis et de lunettes de soleil, car il allait taper, selon toute vraisemblance. Embarquant comme seul bagage son baladeur, elle fila en verrouillant malgré tout la porte. Il y avait plein d'échoppes qui proposaient a manger, alors se restaurer ne serait pas un problème. Il fallait une petite heure de marche pour arriver au parc volant, d'ou on avait une vue superbe sur l'île du Piaf et sur la plupart de l'archipel de Quirient. En chemin, comme a son habitude, elle ne faisait attention a rien, sauf peut-être a la musique de son baladeur qui lui emplissait les oreilles. Mais les regards des jeunes hommes vers son encolure ou son short ne lui échappaient pas, et leur répondait a chaque fois d'un petit regard coquin au-dessus de ses lunettes noires ou un geste de la main, voire un léchage de babines quand elle les trouvait mignons... Enfin, elle arriva au parc. Rejetant les cheveux qui se glissaient dans son débardeur, elle commenca a traîner a droite et a gauche dans toutes les allées et les clairières miniatures qui constituaient ce parc... Un superbe endroit, vraiment. Ce qui la rendait heureuse d'être Quirietienne.

Mystia était partie de Lumaën quelques jours plus tôt, avec l’équipage du vaisseau sur lequel elle apprenait l’art de la navigation, le Tempête. Sergio avait décidé de la prendre sous son aile, apparemment. Mais elle ne s’en plaignait pas, au contraire. Il l’aidait à connaître l’histoire des différents pays et leur disposition. La jeune femme invoquait en échange des vents favorables. Cela leur convenait à tous les deux, et aux autres marins du Tempête également. Ils avaient débarqué quelques heures plus tôt à Erthaniël, dans un port volant, tout comme la cité en elle-même. Mystia, intriguée et presque aussi émerveillée qu’à la découverte de Lumaën, demanda la permission à Sergio de visiter la ville. Il lui accorda. Elle avait deux jours devant elle. Elle demanda à un passant qui fixait sa poitrine avec un air étrange la direction du parc le plus proche.

« Je veux bien vous y emmener, ma p’tite dame.
-Non merci, je n’y tiens pas.
-Si si j’insiste ! On pourra faire plein de choses ensemble, ma belle. »

Outrée, elle commença à dégainer son katana. Le jeune homme entendit le chuintement de la lame sortant hors du fourreau et recula de quelques pas, vert de peur.

« D’accord, d’accord ! Je ferai tout ce que vous voudrez !
-Et si tu commençais par m’indiquer la direction de ce parc ?
-Oui oui bien sûr ! Mais rangez votre arme s’il vous plait. »

Mystia ne rengaina le sabre que lorsqu’elle obtint les renseignements qu’elle désirait, et partit alors dans la direction indiquée. Elle était choquée. Les jeunes hommes de Lumaën étaient moins… Impolis. C’était le mot. Là d’où elle venait, elle aurait fait exécuter l’impudent en place publique. Mais elle se doutait bien que les lois de ce pays, Quirient, ne permettaient pas de tuer pour des raisons qui semblaient insignifiantes ici. Alors, frustrée, elle avait retenu sa colère. Elle marcha une bonne dizaine de minutes, donnant des coups de pieds dans des canettes de boissons qui traînaient, et arriva au parc. Elle remarqua une jeune femme à la peau sombre et bleutée et à la longue chevelure noire en désordre qui contemplait la vue, et décida de s’installer non loin d’elle pour en faire autant. C’était magnifique. Elle n’était pas déçue. Elle en oubliait presque le pervers de tout à l’heure.

Engloutissant une canette de jus de fruit pétillant, Ludmillia ne se lassait pas d'admirer les terres de Quirient sous ses yeux. Le vent, qui la décoiffait encore plus qu'elle ne l'était normalement et relevait un peu son débardeur un peu large, était aussi agréable que le soleil, et la vue de l'archipel et d'un tout petit bout du continent, le tout baigné par la mer. Cela faisait dix minutes qu'elle s'était mise a cette rambarde pour admirer le panorama, en oubliant presque le repas improvisé qu'elle s'était achetée. En temps normal, elle était du genre gourmet et gourmande, mais vu qu'elle se dépensait énormément tous les jours, elle ne prenait pas un gramme. De plus, vu que les vampires ont une consommation calorique plus importante que la moyenne(ce qui explique que la plupart sont maigres, voire rachitiques), il leur faut manger pas mal. Ici, Ludmillia s'était contentée de choper un repas tout fait : une boisson, des onigris* et un taiyaki**. Ces plats n'étaient pas typiques de Quirient, mais des humains venus d'un monde appelé Japon les avaient rendus très populaires dans les cinq nations. Même si Ludmillia préférait de très loin la cuisine quirientienne, très goûteuse et variée, ces petits plats a la va-vite lui convenaient très bien : ils étaient nourrissants, bons, sains et peu coûteux, car même pour une servante haut placée comme elle, il fallait garder un oeil sur le budget. Mais avant de commencer a manger, elle jeta un rapide regard a la personne derrière elle. Cette personne n'était pas du coin, ce se sentait. Peut-être une nouvelle venue par les portes... Ca n'était pas la première ni la dernière, et ce n'était nullement un crime ou une tare. Après tout, maître Azmof disait que même les anges et les vampires avaient du passer par les portes, il y a des milliards de lunes. Si ca se trouve, elle venait d'un autre monde, elle aussi, sans le savoir... Enfin bon, pour le moment, c'était celui ou celle derrière elle... Et ce fut celle. Une jeune personne, plutôt pas mal, avec des yeux qui n'apparaissaient pas de la même couleur selon l'angle de vue. Mais le plus surprenant était les oreilles de chat sur sa tête. Elles étaient réelles... Un chat-garou? Ludmillia savait que ces êtres existaient et venaient d'un autre monde, mais c'était la première fois qu'elle en voyait un. Même si elle avait une arme, ca en jetait de rencontrer une telle chose... Retirant ses écouteurs et ses lunettes et rangeant la canette vide dans le sac en papier qui contenait sa nourriture, elle s'essuya le visage vite fait avant d'engager la conversation. Non pas qu'el l'autre avait l'air perdu, mais il était bon de connaître des nouvelles têtes. Et le repas n'allait pas refroidir...

- Vous appréciez la vue, vous aussi?

[HRP :
Onigri : boulette de riz gluant japonaise de la taille d'une boule de pétanque, enveloppée d'une algue et fourrée de diverses choses : umeboshi(prune salée), poisson grillé...

Taiyaki : gaufre japonaise, en forme de poisson, fourrée la plupart du temps a l'anko(purée de haricots rouges sucrée).]

Mystia tourna la tête vers la jeune femme. C'était celle qu'elle avait vue en arrivant, peu de temps auparavant. Elle la regardait avec insistance. Pour la chatte-garou, c’était presque vulgaire. Mais les règles de ce monde étaient différentes. Elle leva donc ses grands yeux alors bleus, pupille rétractée pour mieux supporter la lumière du Soleil qui était un peu trop forte pour elle, avant de répondre.

« Oui. J’avais rarement vu quelque chose d’aussi beau. A part Lumaën. Mais ce n’est pas le même genre de beauté. »

La brise tiède faisait onduler ses longs cheveux noirs derrière elle. C’était agréable. Elle ferma les yeux un instant et sourit, découvrant légèrement des canines blanches assez longues, fines et pointues, avant de rouvrir les yeux.
La jeune femme semblait intriguée. Elle n’avait sans doute jamais vu de chat-garou, aux yeux changeant de couleur et de forme de pupille qui plus est. Mystia était un peu mal à l’aise face à ce regard insistant. Elle décida de se présenter avant d’engager la conversation vers un autre angle. Mais elle ne parlerait pas de ses véritables origines.

« Je suis Mystia, je viens du Mentalir. Vous venez souvent ici ? »

Une Mentalirienne? Ca ne courait pas les rues, avec ce fichu conflit entre Rayein et Quirient. Les étrangers avaient tendance a rester chez eux, mais ca semblait normal, vu que Rayein et Quirient semblaient recommencer a se taper dessus. 19 ans de simili-paix et c'était reparti... Mais les gens qui venaient de débarquer par les portes étaient curieux et cherchaient pendant un bon moment avant de trouver un endroit ou poser leurs valises, même si la plupart des nouveaux venus choisissaient le Mentalir pour sa neutralité et pour le fait qu'il y avait bien peu de remous en ce pays. Mais elle...
Sa dentition n'avait rien a envier a celle d'un vampire, bien que Ludmillia n'avait encore planté ses canines dans aucune gorge : elle avait déja été nourrie au sang frais, mais elle ne l'avait jamais prélevé a la source. Mais ces dents étaient aussi bien taillées pour la chasse que celle des frères de race de l'écuyère. Et ses yeux variaient encore : forme de la pupille, couleur... Une race fascinante que celle des chat-garous. Mais bon, ca, l'étude, c'était réservé a des tronches. Comme cette elfe tarée sortie des portes et devenue LA référence mondiale en termes de robotique qui faisait la couverture de tous les magasines scientifiques... Yalëné? Laÿnée? Impossible de s'en souvenir, mais sa tête hargneuse et son costume a trois mois de salaire lui revenait en mémoire. Rien que le magazine qui traînait par terre portait encore sa photo. Mais peu lui importait, car cette personne lui avait répondu. Elle avait entendu dire que les chat-garous n'étaient pas des références en sociabilité, mais on ferait avec. S'inclinant dans une révérence qu'elle pratiquait depuis ses trois ans, et par conséquent exécutée a la perfection, elle lui fit une présentation que n'auraient pas reniés les têtes couronnées du monde.

- Ludmillia Rainhard, écuyère du seigneur Azmof l'Immaculé, a votre service.

La jeune femme était sans doute une vampiresse d’après ce que Mystia connaissait des peuples de ce monde étrange. Elle avait déjà vu quelques vampires là d’où elle venait, mais ils étaient plutôt rares. Elle se demandait s’il en était de même ici…
Elle la vit s’incliner et se présenter. Elle avait beaucoup plus de manières qu’elle ne le laissait paraître… Bien. Mystia ferma les yeux et inclina brièvement la tête avant de la relever en même temps que ses paupières.

« Enchantée. »

Elle inspira à fond. Que l’air était bon ! Ses yeux alors étincelant d’un bleu clair et limpide comme du cristal à cause du froid et du ciel de la même couleur se posèrent sur Ludmillia qui la regardait toujours.

« Et si on marchait un peu ? »

[disouley de l’attente et du fait que ce soit si court mais je manque cruellement d’inspi en ce moment >.<]

- Riche idée.

Avait-elle dit en se relevant. Le parc de Quirient était l'endroit idéal pour se balader, surtout par un jour ensoleillé comme celui-ci. Et puis, la compagnie de cette chat-garou ne pouvait pas être désagréable. En tout cas, moins que celles de certains "puristes" qui dénigraient tout ce qui n'était pas comme eux. Ludmillia leur aurait cassé les dents avec plaisir si cela ne nuisait pas a l'image de maître Azmof par la même occasion. Mais bon, se battre avec les nouvelles têtes n'était pas le meilleur moyen de faire bien voir Quirient aux étrangers. Jetant dans une poubelle avoisinante son magazine et sa canette vide, Ludmillia invita d'un gracieux geste de la main demoiselle Mystia a la suivre, ce qu'elle fit. L'allée du parc était vierge, exception faite des enfants qui y couraient de temps en temps et des feuilles portées par le vent. Difficile de dire laquelle de Mystia ou Ludmillia appréciait le plus le spectacle.

- Dommage que je n'puisse pas y venir assez souvent, cet endroit est trop magnifique!

Mystia suivit Ludmillia dans les allées du parc. C'était magnifique, mis à part les enfants qui couraient partout en hurlant. Ils lui cassaient les oreilles. Elle détestait les enfants. Ça lui donnait faim. Si seulement elle pouvait planter ses crocs dans la chair tendre de l'enfance...
Non. Il ne fallait même pas y penser, évidemment. Cachant son dépit elle entendit Ludmillia parler à côté d'elle.

- Dommage que je n'puisse pas y venir assez souvent, cet endroit est trop magnifique!

Sans doute une drôle de manière de parler dans cet endroit étrange. L'ancienne chef des élémentalistes devait s'y habituer. Elle décoda tout de même le sens des paroles de la vampiresse.

"Oui, c'est vrai."

*Mais Lumaën est encore plus belle* pensa-t-elle.
Le vent soufflait, portant les feuilles et faisant voler les longs cheveux noirs des deux filles à longs crocs derrière elles. C'était agréable. Mystia entendit soudain des battements d'ailes et ses oreilles se dressèrent dans leur direction. Ses yeux virèrent au gris et devinrent inexpressifs. Elle posa la main sur la poignée de son katana, prêteà se battre.

"C'est elle! C'est cette fille qui m'a menacé avec une arme blanche!"

*Encore ce crétin de tout à l'heure...*
Elle commença à dégainer son sabre et fit face aux adversaires. Des jeunes hommes, sans doute les amis du crétin qui l'avait interpellée... Un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres, découvrant encore l'éclat blanc de ses crocs.

- N'y a t'il vraiment pas d'autre solution que d'en venir aux mains?
- Mêle-toi de tes oignons, suce-viscères!

La paire de claques qui partit dans la seconde qui suit coupa le sifflet de tout et tout le monde. "Suce-viscères"... La pire insulte possible de toutes les langues confondues qu'on pouvait faire a un vampire. Et vu le tempérament volcanique de Ludmillia... Fallait s'attendre a des étincelles. Elle n'avait certes que ses mains, ses pieds, ses dents et ses griffes comme armes, mais pour un vampire, ca suffisait amplement pour se battre. Mordre, trancher, griffer et fracasser, ca les connaissait! Et la, elle avait une excellente raison. Personne ne lui en voudrait d'avoir défendu l'honneur de ses frères et soeurs de sang face a une bande de grandes gueules. Posant a terre le sac qui contenait sa bouffe et rangeant ses lunettes, le fugace coup de langue qu'elle passa sur ses lèvres n'annoncait rien de bon.

- Demoiselle Mystia, permettez-moi de joindre mes forces aux votres pour leur apprendre la politesse!

Mystia hocha la tête. La vampiresse semblait savoir se défendre. Les yeux de l'élémentaliste devinrent rouges, parsemés de flammes oranges. Ses pupilles se firent verticales. Elle percevait mieux ses adversaires ainsi. Comme elle n'avait pas le droit de tuer ses adversaires elle fit disparaître son sabre. A la place ses mains se recouvrirent de mitaines de combat renforcées. Elle se fit en garde, para les premiers assauts de la bande de racailles et se jeta dans la bataille. Elle frappa un premier homme à la base du cou et il s'effondra dans l'instant, évanoui. Ainsi les quelques temps passés à Lumaën n'avaient pas altéré sa force et sa précision. Très bien. Le deuxième se prit un coup de pied dans le ventre et se plia de douleur, le souffle coupé, avant de s'effondrer de la même manière que son camarade.
Soudain la combattante sentit des bras l'enserrer. L'ennemi tentait de l'immobiliser! Folle de rage elle mordit le bras de l'assaillant. Le goût du sang réveilla ses instincts d'ordinaire parfaitement contrôlés d'ordinaire.Elle se battit alors comme une furie. Le sang coulait. L'herbe verte fut tachée de rouge.
Prenant peur, les loubards encore debout prirent la fuite à bord de leur motos volantes. Mystia voulut les poursuivre mais y renonça. Elle repris le contrôle d'elle-même et soupira. Pas de mort. Elles avaient eu chaud.

"Je pense qu'ils ne reviendront pas de si tôt."

Le combat avait réveillé sa soif de sang. Elle fit un effort considérable pour la contrôler. Ses pupilles redevinrent rondes et l'éclat de ses yeux redevint normal. Ils repassèrent de rouge à noirs. Sa respiration se fit ample.

La chat-garou était meilleure bagarreuse qu'elle ne le pensait. Ludmillia en avait mis elle aussi trois sur le pavé a l'aide de coups de pied la ou il ne faut pas et autres coups de tête furieux. Ajoutons a cela des coups de griffes bien placés et on comprenait mieux pourquoi ils avaient fui en courant. La surprise de voir deux filles leur résister et leur coller la pâtée sans trop de problèmes devait leur avoir filé une peur bleue et une honte sans borne. Dommage qu'ils étaient motorisés, elle leur aurait bien encore pris quelques gouttes de sang frais, mais bon. Léchant celui qui perlait sur ses griffes, ses yeux prirent pendant une petite seconde le mauvais éclat doré propre a l'excitation de la chasse, mais vu la faible quantité, ce n'était nullement suffisant pour laisser libre cours au plaisir de la chasse et de la traque. D'autant que croquer les gens était une activité peur recommandable en Quirient, même pour les vampires nobles. Tant pis, elle se contenterait de sang d'animal, comme elle le faisait depuis toujours.
Mais pour le moment... Mystia semblait elle aussi très excitée par le sang. Les chats-garous et les vampires avaient donc des origines communes pour savourer l'hémoglobine a ce point? Mieux valait ne pas chercher a le savoir, car vu son état, une bagarre de prédateurs était la pire chose possible et imaginable. Prenant une minute pour se dépoussiérer et ramasser ses affaires, le temps que sa camarade se calme, Ludmillia sortit un onigri de son sac et le renifla. Du saumon... Espérons qu'elle n'allait pas le prendre mal parce qu'il était au poisson.

- Vous avez faim, peut-être? Ca m'a ouvert l'appétit de leur arranger le portrait.

Mystia se retourna et vit que Ludmillia lui tendait ce qui semblait être une boule de riz entourée d'une algue, mais qui sentait le saumon. Un peu méfiante, elle accepta la nourriture et, n'ayant détecté aucun poison à l'intérieur, commença à manger. C'était bon. Elle n'avait jamais rien goûté de tel. Elle s'était toujours arrangée pour manger des plats qu'elle connaissait, à Lumaën, et goûter l'un des plats de ce monde étrange était pour elle une agréable surprise. Elle devrait essayer plus souvent...
Après avoir fini la boulette de riz elle avait encore faim mais n'osait demander autre chose de peur de paraître impolie. Elle regarda autour d'elle et avisa une boutique où on vendait de la nourriture. Elle la désigna à la vampiresse.

"Venez, je vous invite."

Sergio lui avait appris que l'argent du Mentalir était valable partout, et c'était bien pratique. Etant riche à Zaïrys elle avait échangé son or contre de l'argent de ce monde et en possédait donc en grande quantité même si elle préférait le cacher. Elle avait remarqué que les gens n'aimaient pas trop ceux qui ont beaucoup d'argent, cela suscitait leur jalousie, et c'était ainsi partout. C'était déjà ainsi à Zaïrys...
Une ombre de noistalgie passa dans ses yeux noirs et disparut presque instantanément.

Deux doigts glissant sur les vêtements, du creux de la poitrine au nombril. C'était un signe de profond remerciement dans la langue vampire, mais vu que Mystia ne la parlait sûrement pas, Ludmillia ajouta a son geste une profonde inclinaison de la tête. La boutique vendait du poisson grillé et embroché sur une tige de bois, enduit avec une sauce aux épices et de l'huile. Le tout servi avec des tranchettes de champignons a manger en mes piquant avec la brochette.
Ludmillia ne put retenir un bâillement de joie : une brochette du Piaf! Non seulement c'était excellent a manger, mais en plus, ce n'était pas cher! Et puis, c'était un signe d'amitié d'en offrir une a quelqu'un a Quirient. Mystia n'aurait pas pu choisir mieux!

- J'accepte avec grand plaisir votre invitation, demoiselle Mystia. C'est un honneur pour moi.

La vampiresse fit un signe étrange de la main dont Mystia ne compris pas tout de suite le sens. Elle en fut éclairée quelques secondes plus tard: c'était un remerciement. La chatte-garou alla donc passer les commandes, laissant sa nouvelle amie s'installer à une table de son choix, où elle la rejoignit en attendant la commande.
Après quelques minutes d'attente, le serveur arriva, portant un plateau chargé de brochettes dans lesquelles Mystia décelait plusieurs odeurs: du poisson, des champignons et des odeurs qui lui étaient pour l'instant inconnues. Elle en goûta une: c'était délicieux!
Ses yeux redevinrent bleus et balayèrent les alentours rapidement. La vue était si belle... S'il n'y avait pas ces fichus gosses pour lui casser les oreilles et courir dans tous les sens cela aurait été parfait. La brise fraîche venue des pics soufflait dans les feuilles des arbres du parc. Les oreilles dressées, Mystia captait le moindre son alentour, malgré les perturbations dues aux enfants. Qu'est-ce qu'elle détestait les enfants! Elle avait envie d'aller les faire taire... définitivement. Mais non, ce n'était pas possible bien sûr. Ça l'énervait un peu quand même...
Elle se vengea sur une autre brochette qui avait le malheur d'être posée sur le plat devant elle, ferma les yeux et se calma un peu avant de les rouvrir.

Les dents de Ludmillia étaient déjà en train de massacrer la pauvre brochette, qui finit vite engloutie par une bouche et une paire de mâchoires expertes. Et pourtant, Ludmillia mangeait très proprement et sans se comporter comme un animal affamé; on pouvait même voir une certaine forme d'élégance a la voir planter ses canines les premières dans les bouchées pour en aspirer le jus grâce a ses canines percées. D'ordinaire, c'était le sang qui passait par ces conduits, mais la, la très liquide sauce a la viande et le jus de cuisson faisaient l'affaire. On pouvait voir la vampirette frémir de plaisir en mangeant tant elle était contente. Décidément, Mystia allait penser que tous les vampires ne s'amusaient qu'a table!
Mais Ludmillia n'en avait cure. Les plaisirs de la table étaient souverains pour elle et il n'était pas question de se retenir d'être content parce que l'on faisait bonne chère.
Toutefois, un détail attira son attention : les enfants qui jouaient dans le coin semblaient mettre mal a l'aise Mystia, voire carrément en colère vu les regards qu'elle leur dardait. OK, ils pleuraient et ils étaient bruyants, mais ils étaient marrants a regarder a écouter. Difficile a croire, mais vu qu'elle semblait ne pas trop être le genre a rigoler, mieux valait ne pas chercher a en savoir plus.

- Je ne sais comment vous remercier pour ce petit repas improvisé, demoiselle Mystia!

"Ce n'est rien."

Mystia regarda alentour. Elle vit un jeune homme blond qui la regardait avec un air suspect. Son visage lui était terriblement familier. Elle l'avait déjà vu, mais où... Elle n'arrivait pas à s'en souvenir. Elle avait le sentiment que c'était important... Tant pis, ça lui reviendrait plus tard. Elle continua son inspection et vit un vieillard et un jeune homme assis sur un banc un peu plus loin. L'homme les dévisageait avec de la haine dans les yeux... C'était louche.
La chatte-garou était mal à l'aise. Peut-être valait-il mieux quitter les lieux. Mais que faire? Elle avait la fin de l'après-midi et la journée du lendemain à occuper... Elle réfléchit. Pourquoi ne pas visiter le reste de la ville?

"Me feriez-vous l'honneur d'être mon guide à travers cette ville magnifique pour aujourd'hui et demain?"

Une bonne chose de faite. Ainsi elle pourrait occuper son temps et échapper aux regards mauvais des deux hommes.

Un lycanthrope de race féline armé et une vampire. Celle là est connue, en plus.
L'écuyère soit disant dévouée d'Azmof, noble du coin. Elle avait pas trop mal réputation, et en combat, et il avait bien des cordes à son arc.
Mais là voir trainer avec cette fille des portes...cette Mystia, qui était une opposante à l'investiture de de Valverde à Yanlis. Le prohpète, considèrerait que la guerre étant finis et que le contexte est différent, avait la bonté de laisser ses ex-rivaux en vie. Le prophète devait vraiment être un grand homme pour tolérer que des ennemis vivent encore contemporainement. Il devait être aussi très puissant, pour ne rien craindre.

En plus, elle était armée, et des traces de grabuge sont visible autour d'eux. Une vampire guerrière et une lycant en katana, discutant comme des copines, c'est vraiment très louche.

Il sortit alors son badge, le montra aux deux jeunes femmes et se déclara.

Captaine Stanton, Executeur.
Veuillez vous déclarez,je vous pris.
Qu'est-ce que l'écuyère de seigneur Azmof fait avec une chatte-garou venant de Zairys armé dans un lieu public? On dirait qu'il y a eu du grabuge par ici.
Conformément à la bonne tenue civile, nous exigeons une permission spéciale pour le port occasionnel d'armes en public, même les blanches.
Surtout en ces temps de conflit internationaux, il serait aisé de semer le chaos et de provoquer la panique. Exhiber une arme devant tous peut facilement rendre les gens "tendus" si vous voyez ce que je veux dire. Surtout que bon nombre de votre espèce s'active à plonger le monde dans les ténèbres.
J'ose espérer que vous ne faites pas partis de ceux là. je vous demande alors de bien vouloir obtempérer.

Veuillez indiquez votre activité actuelle et ce que vous avez fait et où vous étiez depuis votre rencontre, en précisant quelle heure.
Je voudrais aussi votre permission ou vous déposez votre arme au sol, je vous la confisque et je la remet à la Police du district. Vous pourrez la récupérer seulement le lendemain avec un acte de propriété. Réitérez l'action et c'est un risque de confiscations jusqu'à nouvel ordre...si ce n'est définitif.

Je vous déconseille de répondre par une quelconque forme violence sous peine de sanction.

Il attendait leurs réactions, une main dans la poche pre^te à sortir des flammes.
Ce genre d'être sont très vif t imprévisible. Il faut toujours être vigilant et prévoir l'improbable.

- Exécuteur ou pas, amigo, je vous répondrai que nous étions en état de légitime défense. Nous avons d'ailleurs pas mal de témoins parmi les parents des enfants que vous voyez jouer dans les environs.
D'autre part, je crains que vous ne deviez remettre vos questions envers cette personne a plus tard.

Attrapant la main de Mystia, Ludmillia y glissa la fine bague qu'elle portait a l'auriculaire droit. C'était un simple pendentif de rubis orné du drapeau de Quirient, mais aux yeux de la justice du pays, c'était très important : il s'agissait d'un anneau de Loi!
Le porteur de cet anneau bénéficiait d'une certaine immunité par rapport a la justice et expiait certains de ses crimes s'il l'enfilait. En tant qu'écuyère d'une des personnes les plus importantes de tout Quirient, Ludmillia avait naturellement recu cet anneau, réservé aux civils. Avec ca au doigt, Mystia était protégée pour un temps. Car elle semblait avoir un bon fond, malgré ses apparences un peu sauvages. Et s'attaquer a Ludmillia était un risque de se mettre Azmof a dos. Cet exécuteur allait devoir embêter quelqu'un d'autre.

L'homme louche de tout à l'heure semblait être un représentant de la loi. Il ne devait pas beaucoup aimer les vampires et les chats-garous... Mystia sentit l'anneau de métal froid glisser dans sa main. Elle ne savait pas ce qu'il représentait, mais elle sentait que c'était important. Soudain elle sentit une aura magique venant de l'homme, le capitaine Stanton d'après ses dires et la carte qu'il leur collait au nez. Des flammes... Il ne savait vraiment pas à qui il avait affaire... Mais sachant qu'il pouvait appeler des renforts l'ex-chef des élémentalistes décida de tourner cela autrement.

"Vous voulez mon arme? Tenez."

Elle tendit son katana au capitaine et, à la grande surprise de ce dernier, il disparut dès qu'il y toucha. Mystia eut un petit rire intérieur. Profitant de l'air incrédule du représentant de l'ordre elle passa la bague au doigt et inclina la main de manière à ce que le rubis envoie un éclat rouge dans l'œil de Stanton. Une bourrasque soudaine, plus forte que les autres et toujours son œuvre, déséquilibra l'homme. Elle riait toujours mais n'en laissa rien paraître.

"Quand à ce que nous faisons ici... Je voyage à travers le monde et comme j'ai deux jours de repos accordés par mon patron, je me promenais dans ce parc et j'ai rencontré cette jeune femme. Les hommes de tout à l'heure ont tenté par deux fois dans cette journée de m'abuser sexuellement, nous étions donc effectivement en cas de légitime défense... Autre chose?"

Elle eut un petit sourire innocent. Des années de pratiques politiques et les leçons de Sergio concernant ce monde la rendaient imbattable vis-à-vis des règlements. L'art du discours permettait aisément de tourner un acte suspect en autre chose, bien qu'elle n'ait dit là que la vérité.
Un éclat lumineux sur la veste du capitaine attira son attention. L'insigne... Ce symbole, c'était... Le signe des Héritiers. Le souvenir douloureux de Valverde lui revint en mémoire. Ainsi donc il avait lui aussi traversé les portes... Un autre flash. L'homme blond n'était autre que... Elle ne se souvenait plus de son nom mais savait qu'il appartenait autrefois à la Brigade du Crépuscule Pourpre. Ces révolutionnaires avinés se prenant pour des dieux... Elle ne laissa rien paraître de sa colère mais ses yeux s'assombrirent pour redevenir noirs, ou gris foncés selon l'angle de vue. Elle ne se trahirait pas.